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CULTURE ET CONTRE-CULTURE

La littérature

" Nous ne lisons que de bons livres " [1]

Les Faucons Rouges participent, à leur manière, à la " Révolution culturelle " qui secoue la génération de l’entre-deux guerres et plus spécialement à l’immense effort d’éducation populaire [2] ; encore cet effort est-il orienté, dans la période d’édification du Mouvement, dans le sens d’une contre-culture prolétarienne soutenue par les Éditions Sociales Internationales. [3] à connotation ouvriériste. Sous le titre : "apportons à nos Faucons et à nos Pionniers, le soleil de la culture socialiste", un numéro de l’Aide, d’octobre 1936, propose un choix de livres destiné aux jeunes Faucons et Faucons Rouges après avoir tenu à préciser : "comme tous les enfants, nos Faucons adorent la lecture, mais le plus souvent nous négligeons de les guider et ils lisent ce qui leur tombe sous la main et bien souvent ce sont les poisons de la presse capitaliste".

Plus simplement, les éducateurs socialistes reconnaissaient qu’ils avaient à prendre leur part dans la défense et le développement de la littérature enfantine :

"Pendant bien longtemps, en France, personne ne s’est intéressé aux livres d’enfants - les manuels scolaires étaient rébarbatifs et froids et les seuls livres amusants étaient les contes de fées ou les élucubrations de la grand’mère Rostopchine. C’est assez dire quelle nourrissante pâture était fournie à l’intellect de la jeunesse". [4]

Cette argumentation était d’ailleurs à la fois vraie et fausse : vraie parce que l’édition était concentrée, les éditeurs peu nombreux et la production assez pauvre pour une littérature dans l’ensemble "terne, honnête et laborieuse" [5] ; mais fausse si l’on considère les efforts faits par Hachette et sa "Bibliothèque verte", ceux d’Armand Colin avec la "Bibliothèque du petit français", un peu plus tard ceux de Nathan avec les "Contes et légendes" et surtout le très grand effort de renouvellement que constituent "Les Albums du Père Castor". [6]

Les Faucons Rouges allaient entreprendre un grand effort pour proposer une littérature qui corresponde à la fois à leur conception idéologique et à leur préoccupation pédagogique, en essayant d’élargir le cercle étroit des éditions existantes.

La façon la plus simple pour parvenir à cet objectif eut été de créer leur propre maison d’édition, comme le firent les Scouts avec la collection "Signe de Piste" mais ils n’en avaient pas les moyens.

Si l’on examine maintenant le choix des livres proposés à travers les différents numéros de l’Aide, nous pouvons les classer de la façon suivante :

1/ Livres à caractère éducatif proposés par les Éditions Bourrelier et Cie, dont on signale qu’ils sont "de qualité et bon marché" [7]

  • L’automobile par H. Clayette
  • La Maison des hommes par Demangeon et A. Weiler
  • Parmi les étoiles de Paul Couderc
  • L’Histoire du Travail et de la civilisation de C. BougIe et G. Lefranc
  • Travail et Civilisation d’E. Coornaert et J. Sauzeau
  • Voyage au pôle nord de Nansen
  • Le pôle sud de Rouch, pour lesquels on ne signale pas d’éditeur ;

Après 1945 :

  • Les livres de Kosch chez Nathan :
  • "Quelle est donc cette fleur ?"
  • "Quel est donc cet arbre ?"
  • "Petite flore pratique" et toute la série de la collection naturaliste chez Paul Lechevalier, aux Éditions Susse.

2/ Les histoires édifiantes : éditées par les Éditions Sociales Internationales

  • "Les trois méchants gros" par Iouri Obeha
  • "En gagant mon pain"
  • "La mère" de Gorki
  • "Tatchkent, ville d’abondance", d’Alexis Nevierov
  • "Jacquou le Croquant" d’E. Le Roy
  • "Jean Christophe" de R. Rolland
  • "Jean sans pain" par Vaillant-Couturier
  • "Histoire anecdotique du travail" par A. Thomas
  • "Contes pour la Jeunesse" de Louise Michel
  • "L’enfant", "Le bachelier" de Jules Vallès
  • ’’Maria Chapdelaine" de Louis Hémon etc.

3/ Les classiques de la littérature enfantine d’origine allemande :

  • "Emile et les Détective" d’Erich Kästner
  • "Le 35 mai"
  • "Ce que disent les amis du petit Pierre" d’Ho Zur Mühler
    en général :
  • "Contes d’Andersen"
  • "Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède" de Selma Lagerlof - "L’appel de la Forêt" et les autres romans de J. London
  • "Le livre de la Jungle" de R. Kipling
    et d’autres ouvrages de Wells, Dickens, G. Sand, Erckmann Chatrian.

Pour les Aides et les Pionniers, les ouvrages proposés sont plus éclectiques, voire ambitieux ; on retrouve cette même boulimie de savoir dans les projets d’Éducation populaire. Une partie de ces ouvrages concerne, l’éducation socialiste proprement dite, une autre la culture générale, une autre la formation particulière des Aides avec des ouvrages à caractère strictement pédagogique. Curieusement, ces livres paraissent moins didactiques que ceux proposés aux enfants, ils témoignent même d’une dimension critique par rapport au monde soviétique. En voici quelques exemples pour la période 1933-1946 :

  • ’’Marx, Engels, Jaurès" de Max Beer
  • ’’Histoire de la Corrunune" de Lissagaray
  • "Lettres de prison" de R. Luxembourg
  • "L’Etat et la Révolution de Lénine"
  • "L’An l de la Révolution russe" de V. Serge
  • "Autour d’une vie" de Kropotkine
  • ’’Ma Vie" de Trotsky
  • "La formation du socialisme de Platon à Lénine" de F. Challaye

ou bien encore

  • "La patrie en danger" de G. Hervé
  • "Le dossier des fusilleurs", un ouvrage collectif de Breton, Henein, Martinet, Parijanine, Magd. Paz, Samson, Serge et Wullens, paru aux Editions "Les humbles" sur les premiers procès staliniens ;

dans le même ordre d’idée,

  • "Seize fusillés" de V. Serge etc.

Les ouvrages de psychologie, ceux de Piaget, de Freud, de Reich, de Steckel sont couramment mentionnés. L’ ’’Aide’’ du mois de février 1939 signale la sortie du livre de J.P. Sartre "La nausée" : "le moins que l’on puisse dire de ce roman c’est qu’il sort de l’ordinaire" ! Un Aide, Robert Lion, devait écrire une brochure intitulée "Contribution à l’étude de la vie et de l’oeuvre de Freud", Editée par Jouve et Cie, Paris. Un article de Piaget sur le self-government est paru dans le n038 de 1934, de la publication du Bureau International de l’Éducation à Genève, "le self-government à l’école".

Les contes "détournés" : Malgré les Editions Sociales et l’imagination des militants, l’arsenal de cette contre-culture reste médiocre. Il ne reste plus qu’à utiliser la littérature existante et à la détourner vers d’autres fins.
Ainsi, l’éducation socialiste vise-telle en particulier, l’idéologie pernicieuse des contes ; les Aides sont encouragés à "rejeter toute histoire abracadabrante qui risque de fausser les connaissances et le jugement de ceux qui nous écoutent".

Le raisonnement est le suivant : S’il y a nécessité de raconter des contes aux enfants, "il y a donc aussi nécessité d’adapter ces contes", exemple, celui du "Petit Poucet". L’ogre devient quelqu’un qui ne mange pas les enfants mais "qui les fait travailler très dur et ne leur donne presque rien à manger ... comme il est très riche, personne n’ose rien lui dire ... " . Les petites filles n’existent pas, mais sept autres garçons qui travaillent pour l’ ’’ogre-riche’’ ; ceux-ci dénoncent la fée qui a protégé le Petit Poucet et ses frères et cherchent à les rattraper, mais le Petit Poucet attrape l’aîné et convainc les autres que l’ ’’Union fait la force". A eux tous, ils attrapent et attachent l’ogre et vivent heureux en communauté dans le château. [8]

Ces conseils, à vrai dire terrifiants de dogmatisme, ne semblent pas avoir été couronnés de succès, je n’ai pas retrouvé d’autres contes "détournés". Excepté en 1947, et sous une autre forme, une Fable de La Fontaine. "La Cigale et la Fourmi" sert de prétexte à un cours de sciences naturelles sur la vie des cigales et des fourmis " : qu’une cigale se promène dans la bise pour aller chez la fourmi, c’est déjà bien curieux, car la cigale dont la vie larvaire est très longue (4 ans) ne vit qu’un mois à l’état d’insecte adulte, et, quand vient le cœur de l’hiver, il y a belle lurette que, sa ponte achevée, Dame cigale a cessé de vivre". [9]

Le cinéma

La place consacrée au cinéma est tout à fait épisodique et assez tardive [10] ; elle ne tient qu’une part relativement réduite parmi les autres informations à caractère culturel. Mais, le fait même qu’un petit nombre d’animateurs se soit intéressé au "7e Art", montre l’importance que celui-ci commence à prendre et dont l’ Éducation Populaire devra tenir compte. Dans l’euphorique été 1936, le cinéma fait son apparition chez les Faucons Rouges ; le groupe de Saint-Médard en Jalles près de Bordeaux en Gironde, réalise un film sur la vie de la République de Capbreton et sa fête du 23 Août 1936.

Pour la première fois l’ idée d’une propagande par le film fait son apparition, comme l’utilisation pédagogique d’une caméra dans les groupes de Faucons Rouges. Des propositions sont faites dans ce sens par le groupe de St-Médard mais ne sont pas suivies d’effets pour des raisons essentiellement financières.

La déception vient du contenu extrêmement lapidaire de la critique cinématographique dont je retiendrai, pour l’essentiel, celles qui ont été rédigées dans l’ "Aide".

Pour Toni , un film de Jean Renoir réalisé en 1935 : "de bons acteurs, mais un mauvais film". Ce film, réalisé pour le compte de Pagnol, raconte un crime passionnel et une demi-erreur judiciaire qui aboutissent au meurtre d’un ouvrier étranger assassiné par un paysan hostile ; le film n’eut aucun succès commercial mais il posait pour la première fois, le problème de la main-d’œuvre immigrée.

Pour Drôle de drame , un film de Marcel Carné, réalisé en 1937 "un film à voir", sans autre commentaire !

Les Faucons Rouges n’ont, comme le public de l’époque d’ailleurs, pas été sensible à cette "fantaisie glaciale, ingénieuse et laborieuse où le parti-pris poétique freinait le rire" [11]

Pour La Marseillaise , ce film ambitieux de Renoir réalisé en 1937, le commentaire ne donne pas dans la nuance "un très mauvais film, en sortant on a envie de vomir".

Le film, qui fut attaqué principalement pour des raisons politiques, le fut-il aussi pour les mêmes raisons par les Faucons Rouges ? La critique ne nous en dit pas plus. Notons encore celle de l’ Alibi , un film de Pierre Chenal, plus connu par " La rue sans nom " et surtout " Crime et châtiment " réalisé en 1934 ; la critique se résume à cette remarque laconique : "fond assez pauvre, mais forme excellente".

Trois autres films sont évoqués pour leur nullité Quatre heures du matin, Aloa, Pirates du rail . L’effort d’ouverture fait vis-à-vis du cinéma, si louable soit-il, reste bien en-deçà de l’ensemble du projet pédagogique.

Fêtes, rites et héros

Les fêtes religieuses, particulièrement Noël, sont considérées, au même titre que les contes, comme un obstacle à la vérité. L’éducation socialiste veut opposer, à la notion chrétienne d’Amour, la notion de Solidarité ; thème constamment repris mais dont les nuances reflètent assez bien le clivage toujours évoqué de l’avant et de l’après-guerre :

Décembre 1936 : "La fête de Noël, fête de l’Amour, n’est qu’une pure hypocrisie dans un monde où les puissants arment et surarment... nous voulons, au contraire, organiser la fête de la solidarité ouvrière, envoyer des cadeaux aux enfants malheureux, aux camarades espagnols en lutte, autrichiens et allemands arrêtés, exilés".

Décembre 1946 : "Pour Noël, tu as bien expliqué à tes Faucons que le 25 décembre est la date à partir de laquelle les jours commencent à rallonger et que c’est pour cela que, bien avant le christianisme..."

A l’accent militant succède une volonté plus nuancée de vérité historique à seule fin de déchristianisation. Même effort pour la fête de l’Épiphanie et l’évocation de l’étoile du Berger dont l’histoire doit déboucher sur une leçon d’astronomie à laquelle il n’est pas exclu d’inclure la légende d’Orion, légende certes, mais païenne. Démystifier les fêtes traditionnelles ne suffisait pas, il fallait aussi dépouiller les héros du mythe de "l’idéologie dominante".

L’histoire du Mouvement ouvrier comme les événements immédiats de la politique, fourniront aux Faucons Rouges, les histoires édifiantes et les héros auxquels les enfants pourront sans crainte s’ "identifier" (Guerre d’Espagne, répression fasciste en Europe, puis la guerre et la Résistance).

Ainsi retrouvons-nous pêle-mêle L’histoire édifiante d’Hermann, enfant exemplaire et héroïque pendant l’insurrection de Vienne en février 1934 ; ou bien, pendant la guerre d’Espagne, cette histoire d’un tank manié par des militants anarchistes espagnols qui s’arrête au milieu de la fusillade pour recueillir... une colombe blessée.

Et puis, l’évocation des martyrs et des morts :

  • les martyrs du BUND en Pologne [12]
  • la mort de Thomas Masaryk [13]
  • la mort d’Otto Gloeckel, enseignant et militant socialiste autrichien, mort en octobre 1935, dont les funérailles furent perturbées par des provocations policières.
  • la mort d’Henri Barbusse à Moscou,
  • la mort de Roger Salengro
  • Hommage à Laura et Paul Lafargue,
  • " à Jean Jaurès,
  • " à Karl Marx
  • l’assassinat de Matteotti,
  • la mort de Wick (Faucon Rouge suisse tombé en Espagne),
  • la mort de Kurt Lowenstein à Paris en 1939,

La liste s’allonge après la guerre, avec la mort de nombreux militants, et, si le Mouvement eut à déplorer la "défection" de quelques responsables pendant l’Occupation, il eut aussi à s’enorgueillir d’autres militants devenus des résistants exemplaires et parmi eux, une figure de héros, une personnalité remarquable comme Aide, comme militant, comme médecin : le jeune Docteur Robert Lion : Venu aux Faucons Rouges par le biais du scoutisme protestant, il prend la responsabilité d’un groupe d’enfants de Villeneuve Saint-Georges en 1934 auquel il se consacre pendant six ans, tout en menant à bien ses études de médecine et ses responsabilités au sein du Mouvement de l’Enfance Ouvrière . Dès le 10 juillet 1940, il rejoint Londres après une rocambolesque et audacieuse aventure (il transite par Alger), puis, engagé dans les " Bérets Verts " du Commandant Kieffer, il est, parmi les 177 Français débarqués les premiers sur les côtes françaises en Juin 1944 où il meurt au combat. [14]

Cette aventure exemplaire n’a pas été relatée après guerre dans les brochures du Mouvement, certains l’on déploré, mais peut-être avait-on déjà perdu ce goût pour les héros ?

La presse et l’information

La presse jouait une grande place dans la pédagogie des Faucons Rouges (Journal de la République, Journal mural, Journal du groupe... ) tous les prétextes étaient bons pour familiariser les enfants avec cette forme d’expression, les préparer aussi à leur rôle de futur lecteur.

"L’ Aide" jouait, pour les Aides, pour les Pionniers, voire pour les Parents, le rôle d’un journal où n’étaient pas seulement débattus les problèmes internes du Mouvement mais aussi les questions d’actualité, liées à l’histoire ou à l’économie comme ces articles portant sur la période 35-39 :

  • "La suppression de l’esclavage aux USA"
  • "L’histoire du 1er mai"
  • "Qu’est-ce que l’Éthiopie ?" (à propos du conflit italo-éthiopien)
  • "Une enquête sur la Chine"
  • "Dumping et misère", initiation à l’économie marxiste,
  • "Que signifie l’indice des prix"

Ces articles, assez didactiques mais fort bien rédigés, contrastaient avec d’autres franchement dogmatiques, en particulier ce débat autour des deux chants révolutionnaires "La Marseillaise" et l’’’Internationale’’.

Après une brève biographie de Rouget de Lisle, l’auteur conclut "au passé entaché de sentiments contre-révolutionnaires" on oppose "le fils du peuple" qu’était Eugène Pottier "Moralité, le prolétariat doit laisser Rouget de Lisle à la bourgeoisie et aux fauteurs de guerre, il doit glorifier Eugène Pottier".

Ici s’arrêtent les limites de la contre-culture.

Nature et pureté

"Nous sommes propres et sains". [15] Cet axiome ainsi posé mêle volontairement le physique et le moral.

Il est vrai que l’éducation de la propreté joue un très grand rôle ; la douche collective et quotidienne est une institution dans les Républiques de même que la responsabilité des "hygiénistes" est très importante ce sont eux qui doivent veiller à la propreté de chaque village.

Cette éducation de la propreté n’était sans doute pas dépourvue d’utilité, de même que la lutte contre l’alcool et le tabac, si l’on songe aux conditions de vie dans les milieux ouvriers d’alors. [16]

Mais il y avait aussi cette dimension morale qui tend à assimiler propreté corporelle et bonne tenue, à pureté idéologique ; c’est ainsi qu’il faut comprendre la mise en garde suivante : "chanter l’Internationale en état d’ivresse n’est pas Faucon". Deuxième "principe" des Faucons Rouges, qui est en fait extrait du chant "République des Faucons Rouges" "Nous respectons la nature et ce que l’homme a créé".

Le rapport à la nature ne manque de soulever quelques remarques : Sur les vertus physiques de la vie en plein air, de la marche à pied ou du camping, il n’y a rien à redire, les enfants des villes, souvent mal logés ont besoin de ce type d’activités et les Faucons Rouges les développent largement dans les conditions d’inconfort de l’époque ; leur objectif se situe aussi bien dans le court terme, que dans le long terme : "nous avons à préparer, pour le mouvement ouvrier, des militants qui auront besoin de nerfs d’acier pour les luttes de demain ; prenons garde de ne préparer que des instables aux nerfs prématurément usés." [17]

Sur les vertus pédagogiques, rien de vraiment original non plus, elles passent par une meilleure connaissance de la nature, thème que l’on pourrait qualifier d’ ’’écologiste’’ : on apprend aux enfants à respecter la nature, à protéger les oiseaux, à les reconnaître par leurs cris, à construire des nids, à distinguer les animaux nuisibles etc. Un apprentissage qui se fait à l’occasion des sorties dans la nature, le dimanche, et son exploitation dans le "nid", ou local des Faucons Rouges.

Plus ambivalente est la conscience que la Nature, (au sens rousseauiste) confère certaines vertus morales. Quelles que soient les idéologies, tout se passe comme si la Nature restait la seule garante de ces Vertus auxquelles elles aspirent : vertus prolétariennes pour les uns : " ... c’est pourquoi nous croyons que le jeune qui aura un niveau moral et physique réhaussé, rompu au camping, au sport, revivifié dans la naturisme prolétarien... aura un esprit plus moderne, plus social", [18] vertus religieuses ou raciales pour d’autres ?

Dans tous les cas, la Nature restitue ce que la ville a trahi au nom d’une certaine "pureté" que le nudisme des Faucons Rouges pousse à son point ultime. Or, l’état de "pureté" lui-même diffère sensiblement en fonction des idéologies et le risque était grand pour certains tenants de la Révolution de voir l’équation ville=bourgeoisie=capitalisme, se traduire par, nature=pureté=Révolution. Équation diabolique que le nazisme saura si bien exploiter et dans laquelle finiront par sombrer la majorité des Mouvements de Jeunesse allemands.

C’était le même amour de la nature qui les réunissait dans les Auberges : "Et c’est pourquoi, dans la chambrée, avant que les lumières ne s’éteignent, retentira, de cinquante coffres sonores, un vieux chant de vagabond de la route que le nazi entonne avec autant de conviction que le socialiste ou le communiste, unanimité à peine fêlée par la discordance des trois cris antagonistes Heil Hitler, Freiheit, Rot Front !". [19]

En France, cette même nature, devait protéger les Faucons Rouges de la guerre :

"Auberge blottie
Au creux du vallon
Résiste à la folie
A l’ appel du canon ... "

Cette idéalisation s’explique d’autant mieux que le recrutement des Faucons Rouges est urbain et sa vocation "prolétarienne."

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Suite en cours de saisie et de mise en page… (16/07/09)

- Avancement

[1Un des principes des Faucons Rouges.

[2Les premiers bibliobus furent mis en place par Georges Monnet en 1936, alors qu’il était Ministre de l’Agriculture du Front Populaire. , il avait été le premier Secrétaire Général des Amis de l’Enfance Ouvrière.

[3Les Éditions Sociales Internationales, éditions de la C.G.T. Aujourd’hui, ce sont les Éditions Sociales, le fond "jeunesse" appartient aux éditions de La Farandole.

[4l’AIDE 1939.

[5Isabelle Jan, "La littérature enfantine" Les éditions ouvrières Paris 1977, p. 13.

[6La Bibliothèque verte est fondée en 1924. Les Albums du Père Castor, fondés en 1931, par Paul Faucher.

[7"Pionniers du livre entre les deux guerres ... l’action personnelle menée en faveur du livre pour enfants par certains animateurs, éditeurs comme Michel Bourrelier, Tatiana Rageot, Flammarion, Nelson… ou directeurs de collections comme… Paul Faucher " cf. Marc Soriano "Guide de littérature pour la jeunesse", Paris 1975

[8Conseils donnés dans l’AIDE de mai 1935.

[9Forges d’Aides, Février 1945.

[10Les numéros de l’AIDE d’octobre 1936, avril et mai 1938.

[11G. Sadoul ’’Histoire mondiale du cinéma" Éditions Flammarion Paris 1949.

[12Voir ci-après l’histoire du BUND p. 148.

[13Premier Président de la République Tchécoslovaque.

[14le témoignage de J. Akoka, seul, m’a révélé cette information confirmée par l’ouvrage du Commandant Philippe Kieffer " Les bérets verts ", qui relate l’histoire de ce bataillon français des Fusilliers-marins , commandos n°4, un des quatre commandos formant la 1ère Brigade franco-britannique qui fut de la toute première vague d’assaut le "Jour J" et qui se trouva engagé dans tous les importants combats de la tête de pont en Normandie.

[15Un des "Principes" des Faucons Rouges.

[16voir ci-après, le témoignage de Bruna Nardini.

[17L’AIDE, mars 1935.

[18L’AIDE, mars 1935.

[19Témoignage du Journaliste Daniel Guérin, voyageant à pied dans les Auberges de la Jeunesse d’Allemagne en 1932 ; "La peste brune", T. 1. op. cit.