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3) Les mouvements de l’Enfance ouvrière poursuivent le développement d’une éducation, socialiste.

L’éducation socialiste n’est pas seulement une idée, elle se concrétise dans des formes pratiques et se réalise par un mouvement d’une valeur et d’une étendue croissantes.
Ecoutons ce que l’adversaire intelligent dit de ce mouvement :

« Le Mouvement de l’Enfance Ouvrière a hérité de Karl Marx le fort sentiment de la réalité. C’est en particulier ce qui ressort de ses méthodes pédagogiques. Beaucoup de ce que le mouvement de l’éducation socialiste a proposé et réalisé dans le domaine d’une éducation collective peut être dès à présent regardé comme classique. Plusieurs idées des chefs du Mouvement de l’Enfance Ouvrière sur l’attitude des parents à l’égard de leurs enfants et des maîtres à l’égard de leurs écoliers mérite d’être sérieusement respecté. Les idées de l’auto-administration et de l’auto-responsabilité dans l’éducation enfantine ne sont pas tout à fait neuves, mais ils ont réussi à les mettre dans la vie du camp à la portée des jeunes garçons et à leur donner un caractère concret tel que nous n’avons pas hésité à les accepter et à les modifier selon nos principes. La force du sens de la réalité qui caractérise ce mouvement se manifeste aussi par son vigoureux accroissement et par le fait que beaucoup de non-socialistes ont été amenés à se soucier davantage et de plus près de l’existence de l’enfant scolaire pendant les heures où l’école ne s’en occupe pas. » (Konrad Algermissen : Amis socialistes et chrétiens des enfants, 1931, éd. Giesel, Hannovre, p. 114 ff.)

Le Mouvement de l’Enfance Ouvrière est le plus jeune enfant de la grande famille qui se nomme la classe ouvrière. Il s’est développé en partant de formes très primitives et d’un commencement très modeste. A son début, il n’y a pas eu une déclaration pompeuse dans le style du grand réformateur J.-J. Rousseau, ni une assemblée constituante de représentants de beaucoup de pays. Il a été fondé, ou mieux, il a été créé inconsciemment par un simple ouvrier, Anton Afritsch. Il faut connaître cet homme pour comprendre son œuvre,

En juillet 1922, dans le château de Klassheim, près de Salzbourg, il était parmi nous lorsque nous jetâmes les bases de la Fédération de l’Education Socialiste, à laquelle a succédé notre Internationale de l’Education Socialiste. Nous, c’étaient les Autrichiens, quelques amis Allemands, deux Suisses, dont le mouvement devait bientôt être victime de la scission du Parti suisse, un professeur italien, deux camarades, l’une Belge et l’autre Anglaise, mais toutes deux non déléguées par une organisation.

Anton Afritsch aimait la classe ouvrière et les enfants ouvriers ; c’est pourquoi il haïssait l’exploitation capitaliste et l’alcool qui paralyse la lutte d’émancipation des travailleurs. C’est ce sentiment qui donnait tant de chaleur à son activité, et qui qualifiait particulièrement ce simple ouvrier pour devenir l’initiateur et un leader remarquable de notre mouvement.

La personnalité d’Afritsch est demeurée caractéristique de notre mouvement, car nous sommes un mouvement « d’amateurs ». Toute activité au cours de son développement finit par créer la spécialisation. La pédagogie, la psychologie et toutes les autres sciences auxiliaires supposent des études très sérieuses. L’éducation scolaire ne peut plus exister sans le fonctionnaire instruit et salarié, c’est-à-dire sans le professionnel. Mais la fonction sociale et individuelle de l’éducation est trop générale pour être contenue tout entière dans l’éducation professionnelle et ses réalisations. Chacun est toujours simultanément éducateur et élève ; on apprend aux autres en même temps que chaque jour vous instruit. De toute personnalité rayonne toujours une influence importante sur ceux qui vivent avec elle. Nous ne méprisons point les procédés scientifiques. Tout au contraire, nous voulons en profiter le mieux possible. Mais l’exemple d’Anton Afritsch nous a permis dès le début de demander à tous nos aides, qui sont des éléments purement bénévoles d’être des militants actifs du mouvement de la classe ouvrière afin qu’ils créent autour d’eux, par leur tenue, par leur manière de parler ou d’agir, un foyer de rayonnement socialiste.

Toute la vie d’Anton Afritsch l’a façonné pour son rôle d’éducateur. Il a connu la misère, le manque d’amour dont souffre l’enfant illégitime, qui n’a pas connu de père et qui a été élevé par des grands-parents peu satisfaits de son existence. Anton Afritsch est devenu un bon père non seulement pour ses nombreux enfants mais encore pour beaucoup d’autres enfants prolétaires. La maison qu’il habitait avec les siens était trop étroite. Aussi aimait-il aller avec sa jeune famille, tous les dimanches, à la forêt proche. Là il jouait avec ses enfants, observait les plantes, les oiseaux, et les leur faisait observer ; il leur contait sa vie, la misère de son apprentissage dans la grande usine, son oppression à la caserne mais aussi la’ fidélité et le dévouement des camarades, le mouvement ouvrier et le socialisme. Ces promenades traçaient peu à peu le modèle des premiers groupes du Mouvement de l’Enfance Ouvrière : elles furent le début de notre mouvement.

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