Le « Mouvement de l’enfance ouvrière » se développe à partir de 1932-1933…

…avant de connaître les vicissitudes de la guerre et de renaître, brièvement, après la Libération. Ses origines sont anglo-saxonnes et prennent racine en Allemagne et en Autriche, d’où émerge l’expression de « Faucons rouges » pour qualifier des mouvements de jeunesse s’inscrivant dans le sillage des partis sociaux-démocrates et socialistes européens. La France ne s’inscrit dans cette dynamique qu’à partir du début des années 1930, dans un contexte de montée des tensions politiques qui mettent désormais en scène la jeunesse et les enfants comme réceptacle, mais aussi matrice, des espoirs de transformation de la société et, dans les régimes fascistes, de la création d’un « homme nouveau ».

Les Faucons rouges prennent en charge les enfants et adolescents de huit à seize ans au sein de structures organisées par classes d’âge : Jeunes Faucons, Faucons rouges et Pionniers rouges) et encadrés par des militants, les « aides ». Le but du mouvement, dont les liens directs avec la SFIO restent mal définis et conflictuels, est de proposer une éducation aux valeurs socialistes, moins par l’endoctrinement théorique que par l’apprentissage en collectivité d’un mode de vie fondé sur l’amitié, la solidarité, l’expérience de la démocratie et des responsabilités.
S’adressant avant tout aux enfants d’ouvriers des centres urbains et industriels, mais trouvant aussi, à Paris notamment, des relais dans le monde du fonctionnariat, l’idéal d’émancipation mis en scène par les Faucons rouges trouve principalement sa vocation et sa réalisation dans la proximité avec la nature, plage, montagne ou campagne, lors de grands camps d’été. Ces « républiques des Faucons rouges » réunissant des centaines d’enfants et adolescents sont l’aboutissement et la consécration du mouvement qui met en pratique ses idéaux de démocratie, de fraternité, de mixité.

L’activité en milieu urbain, et particulièrement à Paris, reste plus difficile à cerner. Organisé en « groupes » à l’échelle locale, les Faucons rouges parisiens sont très implantés et actifs, avant la guerre, dans les Xie, xve, XVIIIe et xxe arrondissements de Paris. Outre une activité de débats et réunions, ils prennent une part de plus en plus visible et démonstrative lors des batailles politiques dont Paris est le lieu central, en particulier dans le sillage du Front populaire. Les enfants et adolescents du mouvement sont intégrés aux manifestations, durant lesquelles on les fait défiler en uniformes, et aux réunions publiques, où ils sont surtout mis à contribution pour entonner des chants socialistes. Cette implication ne fait pas l’unanimité et provoque de nombreux débats, qui s’ajoutent au climat conflictuel des relations entre le mouvement, principalement dans sa déclinaison en région parisienne, et les structures du parti. De nombreuses luttes, sanctionnées souvent par des vagues de départ des Faucons et du réseau des aides, émaillent la courte histoire du mouvement avant et après la guerre. La fin des années 1930 est ainsi marquée par l’exaspération du conflit en région parisienne, notamment à cause du non-interventionnisme en Espagne, et se solde par le départ d’une partie de l’encadrement et des éléments les plus dynamiques chez les trotskystes.

Après la guerre, la lutte se poursuit entre une partie des aides de la région parisienne et l’appareil du parti, qui tente de remettre en ordre et d’exercer une tutelle forte sur le mouvement. Malgré ces tensions qui ont miné une expérience française restant embryonnaire par rapport à nos voisins germaniques, l’expérience des Faucons rouges reste, si l’on écoute ses anciens membres, l’un des moments forts de destins individuels et collectifs cimentés par ce qui était le cri de ralliement des Faucons rouges : « amitié » .

Pierre-Yvain ARNAUD (2005)